Bonheur = Vincent
Aujourd’hui… à 2h45 ce matin…
le plus jeune de mes deux fils
a eu 30 ans.
Il est né dans cette vieille maison plantée au fond d’un rang, dans une localité que j’aime appeler — pour me défouler — «Poche d’Air», Comté de Lotbinière.
La photo ci-haut fut prise l’année précédant la naissance de Vincent. Au mois de juin 1978, mon mari-dans-l’temps et moi-même avons quitté la ville pour effectuer un retour aux sources : nous allions vivre la vie peace & love dans notre maison rouge & blanche qui avait un poêle à bois ET un foyer Franklin, mais ni bain ni eau chaude.
Voyez, c’est mon mari-dans-l’temps qui enlève la pancarte «À vendre», et mon fils-unique-à-l’époque qui pose pour la postérité.
Assis sur la galerie de notre Our House Is A Very Very Fine House, nous avions une vue prenante sur les champs et, au bout de ceux-ci, à un mille et quelques poussières de nos 60 arpents de terre, le beautiful Downtown Poche d’Air avec son église majestueuse et vide, sauf les dimanches et jours de fête.
Quand le soleil brillait, ça donnait des tableaux bucoliques.
Quand il pleuvait, ça donnait des trous d’boue.
Alors donc, Vincent est né un vendredi froid et pluvieux, dans la petite pièce du haut, au bout de l’escalier.
Tout s’est déroulé dans ce lit que nous avions dépouillé jusqu’au matelas pour ensuite le recouvrir d’un grand plastique en vue de la rupture des eaux. Et rupture il y eut : Huguette, la sage-femme, fut abondamment arrosée et dut endurer son look trempé jusqu’à la fin de l’évènement.
Avec toute l’action qui se déroulait à l’étage — pas de cris, juste de gros efforts et beaucoup de rires — Sébastien a fini par se réveiller mais il était trop impressionné pour sortir de sa chambre. Il a attendu en silence que Vincent soit éjecté du canon, puis il s’est approché de la scène du miracle — ébahi — pour voir son bébé frère flambant neuf étendu sur le ventre de sa maman flambant nue.
Ma mère aussi avait choisi de sauter l’étape de l’expulsion. Elle se tenait occupée en bas, dans la cuisine, sifflant sans relâche afin de conserver son calme : accoucher à la maison, à un mille et quelques poussières du milieu de nowhere, n’était pas son idée de la vie au 20ième siècle. Mais une fois que tout fut terminé et que personne n’était mort, elle a mis Les quatre saisons de Vivaldi sur la table tournante (selon mes directives) et est montée nous rejoindre avec, dans chaque main, une assiette où s’empilaient d’épaisses tranches de pain rôties garnies de ses fameux cretons maison.
Huguette est sortie chercher la bouteille de mousseux qui était restée au froid sur la banquette arrière de son auto ; dans la pénombre de la chambre principale, autour du lit de fer antique, nous avons trinqué à la santé du nouveau joueur.
Ce qui fait que la photo que vous voyez là-haut fut prise deux jours après la naissance de Vincent ; le lit avait été refait, ma mère était retournée chez elle dans le patelin voisin, et j’avais perdu 17 des 19 livres gagnées au cours de ma grossesse.
Je perdrais vite les 2 livres restantes à monter et descendre l’escalier pour allaiter mon petit ogre affamé.
Nous voici, l’année suivante, lors de MES 30 ans. C’est maman, la tête coupée, qui tient Vincent ; on peut dire que l’allaitement maternel lui avait réussi, n’est-ce pas ?
Finalement, voici ce que 30 ans ont fait de mon enfant…
6’2″ et de plus en plus beau avec chaque jour qui passe.
Je t’aime
xoxo
ÉPILOGUE
Au mois de février 1981, nous avons regagné la ville.
Devenue monoparentale, j’avais hâte de changer d’air.
Parce que même si la venue de Vincent fut un cadeau du ciel,
le reste de mon épisode rural fut un enfer !