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13 janvier 2013

L’écrivain de la famille (Grégoire Delacourt)

Classé dans exTRAIT du jour, livres

« L’écrivain de la famille » est le premier roman de Grégoire Delacourt.

L'écrivain de la famille (Grégoire Delacourt)

C’est l’histoire d’Édouard qui, à 7 ans, écrit un poème de 4 rimes qui déclenche aussitôt l’admiration de ses parents. Dès lors, on le proclame Écrivain de la famille. Marqué au fer rouge par ce titre qui l’angoisse plus qu’autre chose, il traînera son angoisse/ambition tout au long des années 70, 80 et 90 — de l’enfance à la vie adulte, de l’école au bureau, du lit conjugal au lit (…).

C’est aussi l’histoire d’une famille un peu folle, déchirante, déchirée. Je me suis attachée au frère cadet — il m’a arraché le coeur.

C’est une série de courts chapitres, des scènes de 3 ou 4 pages qui se dévorent comme un plat de délicieux petits canapés… parfois difficiles à avaler.

C’est drôle. Poignant. Cru.
Troublant de retenue.

J’ai a.do.ré.

*
*   *

EXTRAIT :

La psychanalyse fit des ravages dans notre famille.

Ma mère ne parlait plus parce qu’elle gardait ses mots pour son analyste, un certain Boucher, à Lille. Mon père se taisait parce qu’il savait que si les mots peuvent guérir, ils peuvent aussi blesser, détruire. Et nous n’osions poser de questions. Ouvrir la bouche pouvait déclencher un cataclysme.

Exemple.

Dans la cuisine jaune pâle qui avait vu mes débuts d’enfant de lettres, qui se souvenait de nos joies à être parfois une famille drôle et légère comme celles qui habitent dans les films de Frank Capra, je demandai un soir à mes parents alors que nous étions à table :

 — Est-ce que le silence ça veut dire qu’on ne s’aime plus ?

 Il y eut un silence, cela va sans dire, puis des objets volèrent.

Claire se mit à hurler, atteignit une octave inconnue. Mon frère en larmes l’imita ; terrifié, il se colla à elle, disparut en elle. Ils coururent sous les bombes se réfugier dans sa chambre. Je restai là, paralysé.

Il faut avoir vu ses parents se battre pour comprendre qu’un enfant puisse avoir envie de mourir.

Je m’allongeai sous la table. Un chiot trouillard.

Ma mère sortit de la cuisine, claqua la porte. Plus tard mon père quitta doucement sa chaise. Ses jambes tremblaient. Un vieillard de quarante-six ans désormais. Il entreprit de ramasser les mots brisés sur le sol, salière, assiette, verre, broc, ramequin. Il les recollera, les mots éparpillés. Puis il les rangera à leurs places premières, dans le bon ordre, pour en faire une phrase qui dit que tout va bien, que tout rentre dans l’ordre justement. Avec le temps, il tentera de cacher les cicatrices des mots. Il les poussera loin dans l’ombre du placard, jusqu’à l’oubli.

*   *
*

J’attends de lire son deuxième roman, « La liste de mes envies ».
On s’en reparle.

Grégoire Delacourt, auteur, L'écrivain de la famille

Rendez-vous sur le site de Grégoire Delacourt
vous y trouverez plein d’info et de belles images !

21 avril 2012

Jean Charest et son printemps québécois…

Les esprits s’échauffent au Québec !

Et plus particulièrement à Montréal où, je le crains,
on est à la veille d’exploser.

Le carré rouge est devenu le symbole de la lutte étudiante contre la hausse des frais de scolarité. Sauf que tout dégénère suite à l’arrogance de notre premier ministre, Jean Charest, et c’est une bonne partie de la population du Québec qui est en train de se soulever.

Ça me rappelle les années 60, 70, 80.

Je vois d’ici René Lévesque nous faire son p’tit sourire en coin…

Jean Charest et son printemps québécois

Je vous laisse donc avec ces quelques extraits d’articles en espérant que tout se règlera avec du gros bon sens et non pas avec des gros coups bas !

Notre juste part

« Si le mouvement se poursuit, 2012 sera retenue dans les livres d’histoire comme une des belles années du Québec moderne. Elle le sera si le silence cesse, vraiment. Et que s’installe à demeure l’ambition de rêver, de bouger, de construire et de mieux répartir cette fameuse richesse dont on nous parle tant. »
— Josée Legault (Lisez l’article dans le VOIR)

CARRE ROUGE JEAN CHAREST PRINTEMPS QUEBECOIS

Nous, mères indignées

« Nous rappelons au gouvernement que ce mouvement étudiant est un magnifique exemple de mobilisation pacifiste porté par l’intelligence admirable et le discours sophistiqué des jeunes qui le soutiennent. C’est notamment en raison de cela que le mouvement étudiant québécois est appuyé par une portion substantielle de la population et attire présentement le regard du monde. Refuser d’engager un dialogue démocratique avec l’ensemble de ce mouvement, mépriser ainsi les étudiants, tout cela porte atteinte, en vérité, à votre propre dignité. Tenter de les museler par la force porte atteinte, en vérité, à votre propre légitimité.

En tant que mères, nous condamnons la violence structurelle et physique que vous déployez contre nos enfants. Cessez de jouer avec la rhétorique de la condamnation de la violence: dans les circonstances actuelles, ce discours soi-disant vertueux vous ridiculise. Dans le rapport de force qui vous oppose en ce moment aux étudiants, c’est vous qui portez la plus haute responsabilité sur vos épaules parce que c’est vous qui avez le gros bout du bâton. Nous ne vous permettrons pas d’en user, surtout pas à coup de grenades assourdissantes, de matraques, de boucliers et de poivre de Cayenne, contre nos jeunes citoyens, contre nos enfants. »
— Ryoa Chung, Professeure au Département de philosophie de l’Université de Montréal, et Caroline Allard, Auteure des Chroniques d’une mère indigne (Lisez l’article dans le DEVOIR)

CARRE ROUGE JEAN CHAREST PRINTEMPS QUEBECOIS

Jean Charest trouve le moyen de trouver ça drôle

« Suis-je le seul à penser qu’on s’attend à ce que le premier ministre du Québec s’abstienne de transformer ces troubles qui secouent rues et campus en punch pour faire rire un parterre de gens d’affaires ? Ce qui dérange, c’est la connivence qui se dégage de la scène, les rires gras de l’auditoire, qui ne font qu’encourager le PM dans ses visées humoristiques. C’est cette impression qu’on a affaire, ici, à une clique qui se sent si à l’aise ensemble que ce qui se passe hors des murs du Palais des congrès n’est qu’une malencontreuse échauffourée dont il faut bien rire. »
Patrick Lagacé (Lisez l’article et voyez la vidéo dans LA PRESSE)

CARRE ROUGE JEAN CHAREST PRINTEMPS QUEBECOIS

Où est ma société ?

« Il y a beaucoup plus, dans ces manifestations, qu’une opposition à la hausse des frais de scolarité. Et il y a beaucoup plus que les “anars” casseurs et leurs amis des Black Blocks. Il y a une peur et l’inquiétude réelle des enfants des baby-boomers face à l’avenir de la société, du système économique et face à la vie qu’auront ceux qui seront du mauvais côté de la “track” comme on disait jadis.

On a besoin d’un ou d’une leader, de quelqu’un qui n’est pas dans la querelle — leaders politiques et premiers ministres s’abstenir — qui ait le respect de tous et soit capable de s’élever pour calmer les foules, pour agir comme médiateur, comme calmant. Une personnalité qui ne parle au nom d’aucun groupe, d’aucun gouvernement, mais seulement au nom du gros bon sens. »
— Marie-Claude Lortie (Lisez l’article dans LA PRESSE)

CARRE ROUGE JEAN CHAREST PRINTEMPS QUEBECOIS

 

26 mai 2010

Lettres d’amour

La semaine passée — du 14 au 23 mai — j’ai tenu compagnie à mes petits-fils et leur jeune chienne Molly pendant que leurs parents (mon fils et ma belle-fille) étaient partis s’amuser en Jamaïque.  Ya mon!

J’avais apporté quelques livres afin d’occuper mes soirées, parmi ceux-ci La renarde et le mal peigné Fragments de correspondance amoureuse 1962-1993.

La renarde et le mal peigné

Il s’agit de lettres retrouvées dans les archives privées de Pauline Julien et Gérald Godin, deux icônes qui ont marqué l’histoire culturelle et politique du Québec.

Voici deux extraits qui m’ont particulièrement touchée :

Trois-Rivières, le 20 quelque chose août 1962

Ma soeur, mon âme, mon destin, mon noyau

Voilà que la peur te prend, engagée dans tant de routes à la fois. Ici c’est l’automne et mon égoïste coeur de jeune homme léger pense à l’automne qui vient. Le ciel est plein d’étoiles ce soir, car je t’écris ce soir et non cet après-midi comme je te l’ai dit au téléphone. Je porte longtemps cette lettre en moi avant de l’écrire.

Tu as peur, et moi je m’efforce de n’avoir pas peur, de ne pas me laisser emporter par la peur, de ne pas être balayé par tes impulsions, de rester moi-même devant ta force ou la force de tes sentiments, et la force de nos sentiments, au bout du compte. Depuis le début, d’ailleurs, je n’ai pas reculé, c’est toi qui as avancé, sauf peut-être pour cette fin de semaine dernière où j’ai senti quelque chose que je sens encore mais que je maîtrise et dont j’ai peur qu’il ne porte atteinte à mon être menacé.

Car je ne veux pas aller à Montréal pour te faire plaisir et à mon détriment. Je veux aller à Montréal parce que je veux te voir. Et même si je songe par exemple à aller te voir dans deux jours, si tu me le demandes avec insistance, je vais me sentir forcé et j’irai malheureux. Ne m’en veux pas. Je suis comme ça et ça ne change rien à mes sentiments pour toi.

Pourquoi t’ai-je aimée tout à coup? Je ne sais pas au juste, mais je t’en prie ne deviens pas égoïste, sous prétexte que je t’aime, ne va pas m’astreindre, tu comprends. Je te dis ça avec tendresse, comme si nous étions au lit tôt le matin assistant au réveil de la rue Saint-Marc. Vous êtes le feu, je suis peut-être le bois qui a un peu peur de vous. Il faut tellement tout embrasser de la vie, ne pas se buter sur une seule chose, c’est le secret de la paix et c’est cette paix que je veux vous donner, plus que tout le reste, car je passerai et cela restera, car les êtres passent et les sentiments restent.

Je ne veux pas ne faire que passer, c’est évident, mais cette paix que j’ai, je crois, acquise est fragile, c’est sa marque. Je la veux conserver et vous amener à la même. En voiture, l’autre jour, en partant de chez vous, vous n’aviez pas la paix et pourtant j’étais là, comme quoi la paix est intérieure et ne tient pas à un ou des autres.

Mais peut-être cette paix sera-t-elle une trahison de votre tempérament. Même si je ne le crois pas au fond. Je pense par exemple à vendredi soir dernier, je devais avec vous aller voir Richard III et j’avais peur, vraiment peur de vous annoncer que je ne pourrais y être. À ma grande surprise, vous avez réagi comme si de rien n’était. Vous m’avez semblé comprendre et ne pas insister. Quand vous insistez, j’ai une mauvaise peur, non pas la bonne peur que donne un amour qui vient au monde, mais la mauvaise, celle qui me réduit.

Ici, le déménagement recommence. Je remets pour la centième fois, ce me semble, mes livres dans leurs caisses, j’en ai assez, je voudrais m’établir quelque part jusqu’à la fin de mes jours, me caler confortablement quelque part et de là lancer quelques fusées de par le monde. Mais peut-être faut-il un «milieu» pour lancer des fusées, peut-être faut-il être à l’heure qu’il faut, parler de ce qu’il faut, suivre un mouvement quelconque, auquel cas mes fusées m’exploseront au visage, tout simplement, comme les excellents poèmes de Clément Marchand que je découvre et toutes leurs beautés ont pourri sur place et lui avec, malgré tout, malgré qu’il était jeune comme moi, qu’il a obtenu le prix David, etc. Ça me fait un peu peur cela aussi, et aussi l’automne qui sera froid et aussi vous qui de temps en temps vous conduisez mal, êtes, pour reprendre l’expression de je ne sais plus quand, «tristement conne».

Mais je vous aime quand vous êtes une adulte et ne reconnais plus quand vous me faites croire à moi-même que je suis une espèce de monstre sans-coeur quand j’ai peur de vous faire de la peine et que je force ma vie dans un sens qui me plairait peut-être s’il m’était naturel et me serait peut-être naturel si on ne m’y forçait pas. Tout ceci et je conclus peut-être n’irai-je pas vous voir jeudi. Je dois retrouver ma paix. Je dois être seul quelques heures.

Je vous embrasse, je m’ennuie de vous.
Soyez heureuse et paisible.
Je t’aime presque tout à fait.

Gérald

petit oiseau

Octobre 1962

Cette espèce de cure de silence et un peu d’éloignement où vous semblez vouloir vous plonger, que je comprends mais que j’avoue avoir grand-peine à respecter… Chaque particule d’air me souffle votre nom, et chaque mot ou note qui sort de ma bouche à l’instar de tous a votre nom comme palier de départ.

C’est idiot — d’ailleurs je ne sais plus rien — d’ailleurs s’agit-il de penser ou d’agir — depuis des huitaines de jours mon travail — c’est-à-dire je me sens vide dans mon travail.

Bref comme imperceptiblement nous changeons — et si violemment que j’en reste bouche bée.

Au hasard je viens de relire probablement la plus belle lettre que vous m’avez écrite (peut-être sont-elles belles toutes). Je veux m’étonner, m’arrêter pour le moment devant celle-ci seule, qui est datée du 20 quelque chose août — qui se termine

Je vous embrasse
Je m’ennuie de vous
Soyez heureuse et paisible
Je t’aime presque tout à fait
Gérald

Je ne sais pas trop ce que je vais te dire encore — en relisant cette lettre. Je pense à nos colères, nos réconciliations, à mes peurs — suivies des compréhensions — à ces tas de choses auxquelles je voudrais participer avec toi — et puis ce temps qui m’échappe, qui éloigne — cette profondeur qui semble s’être installée en nous… Et puis tout à coup, un mot, une insistance, incontrôlable — mais lucide — et nous voilà chacun à notre pôle. Tu me dis «ma paix acquise et fragile, que je veux conserver — mais vous amenez à la même».

Le pire des «péchés de l’amour» est sûrement celui d’enlever la liberté, d’astreindre. Mais à quoi, je ne dirai pas sommes-nous!! Mais suis-je soumise à une entente exceptionnelle! Mais qui exclut les sources de joie du côte à côte. Je t’explique mal — je voulais simplement te dire mon étonnement devant cette lettre légère, lucide, amoureuse — presque neuf mois d’écoulés. Il me semble qu’il y a beaucoup de courage, des lâchetés — et du courage encore. Mais là, je ne sais plus. Il me semble que pour un long temps, des semaines, des heures, des secondes, il sera impossible de désirer quelque chose — d’oser vous proposer un geste.

Loin et près — les alternances ne sont pas assez régulières.

J’ai eu probablement trop de désirs.
Fleur forte ou fragile.
Vos notions de l’amour sont si uniques.
Est-ce que vous aimeriez que l’on vous perde de vue?

Frère, âme noyau destin.
Et source qui me fait fontaine
douce, murmurante fondue en toi.

Porte-toi bien, beau navire.

Encore un peu Moi.
Pauline

petit oiseau

Retrouvez-les en entrevue avec Robert Guy Scully :
Gérald et Pauline unis dans l’engagement
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gazon

25 avril 2010

Souper avec Louis-Ferdinand Céline

Classé dans exTRAIT du jour, rituels

Depuis que je vis seule — ça doit faire quasiment douze ans –,
j’ai pris l’habitude de lire en mangeant.

couverture magazine littéraire Louis-Ferdinand Céline

Ce soir, le magazine littéraire HORS-SÉRIE No 4 – 4e TRIMESTRE 2002 — un numéro entièrement consacré à Louis-Ferdinand Céline — a eu l’honneur d’accompagner ma soupe aux légumes.

Pour ceux et celles qui se demandent pourquoi je lis une revue qui date de 2002, c’est parce que ma bonne amie Céline (coïncidence!) me refile régulièrement des piles et des piles de magazines et il arrive que certains d’entre eux aient été entreposés pendant plusieurs années.

SOUPE AUX LÉGUMES AVEC LOUIS FERDINAND CÉLINE

Voici donc un extrait, Céline vivant – Chronologie, signé André Derval :

1894 — 1899. Louis Destouches naît le 27 mai 1894 à Courbevoie, en région parisienne, dans l’appartement attenant au magasin de modes et lingerie tenu par sa mère, Marguerite. Son père, Fernand Destouches, est employé comme correspondancier dans une compagnie d’assurances, Le Phénix (devenue «Coccinelle-Incendie» dans Mort à crédit). Il est baptisé le 28 mai ; sa marraine est sa grand-mère maternelle, Céline Guillou, et son parrain, son oncle maternel, Louis Guillou.

Il est immédiatement placé en nourrice dans l’Yonne, à Voisines. Un an plus tard, il est rapproché du domicile de ses parents et envoyé en nourrice à Puteaux, rue des Valettes : il y reste deux ans.

En 1897, après de mauvaises affaires, les Destouches liquident le magasin de Courbevoie et s’installent rue de Babylone à Paris — Louis les rejoint ; sa mère est retournée travailler comme vendeuse dans la boutique de Céline Guillou, puis chez un chapelier. En novembre 1898, ils déménagent rue Ganneron dans le 18e arrondissement, puis en juillet 1899 au 67, passage de Choiseul («passage des Bérésinas» dans Mort à crédit), où Marguerite Destouches reprend une boutique d’«objets de curiosité».

Allô l’amour maternel…

Ça m’a touchée, même attristée, d’apprendre que Céline a été «placé» dès sa naissance et qu’il a vécu les trois premières années de sa vie séparé de ses parents. En tout cas, sa mère était émancipée pour l’époque. Et la famille avait la bougeotte!

bordure rouge jaune verte